L’immunité dont peuvent se prévaloir certains responsables politiques dérange. Elle est pourtant indispensable. En condamner le principe et la supprimer, c’est affaiblir la démocratie.
Elle dérange parce qu’elle serait synonyme d’impunité. Ce qu’elle n’est pas. Elle dérange parce qu’elle serait un privilège antidémocratique, ce qu’elle n’est pas davantage.
Rappelons-en le régime, d’abord, pour en justifier l’importance, ensuite.
L’immunité – qui n’est que le bénéfice d’une protection juridique dérogatoire au droit commun – concerne les parlementaires (députés, sénateurs, députés européens) et le Président de la République.
Un parlementaire bénéficie d’une immunité totale concernant les « opinions ou votes » qu’il peut émettre « dans l’exercice de ses fonctions ». C’est ce que l’on appelle l’irresponsabilité. À l’inverse, l’immunité est partielle « en matière criminelle ou correctionnelle », où il ne peut alors faire l’objet « d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie ». C’est ce que l’on appelle l’inviolabilité.
C’est une campagne présidentielle qui ne ressemble à aucune autre.
Non par le nombre de candidats : ils seront onze, ainsi que l’a indiqué le Conseil constitutionnel, en application de l’article 58 de la Constitution. C’est dans la moyenne : 10 en 2012, 12 en 2007, 16 en 2002 (le record à ce jour), 9 en 1995 et 1988, 10 en 1981, 12 en 1974, 7 en 1969 et 6 en 1965.
Non par la désignation surprise de certains candidats : ce sont les aléas de la politique et ils se produisent régulièrement (qui aurait parié sur François Hollande au printemps 2011 ?).
Elle est d’abord extraordinaire parce qu’un candidat que tous attendaient a renoncé à concourir, sans même avoir été battu.
Elle est également extraordinaire en raison de la percée d’un parti extrémiste, qui continue à être placé en tête par les instituts de sondage. Rappelons que ces derniers donnent une photographie à un instant donné, non le résultat de l’élection lui-même. Ce qu’il faut en retenir, c’est la tendance. Et cette dernière indique que la position du Front national est concurrencée et s’affaiblit. Pourvu que ça dure et perdure.
Elle est aussi extraordinaire parce qu’elle débute extrêmement tard. D’ailleurs, a-t-elle seulement déjà commencé ? Pas vraiment.
Il est bon de le souligner, arguments à l’appui, au moment où elle poursuit son travail, où elle risque d’être encore critiquée, où son indépendance pourrait à nouveau être questionnée.
Elle est un pouvoir car elle est investie de la compétence de dire le droit, en tranchant les litiges. Elle est démocratique car son indépendance est assurée par la Constitution, à destination du peuple.
D’une part, certains, récemment, voudraient lui dénigrer la qualité de pouvoir au prétexte que la Constitution désigne une « autorité judiciaire », en son Titre VIII. En plus d’être dangereux, c’est infamant à l’égard des juges et ignorant du droit constitutionnel.
Il ne faut pas confondre le pouvoir lui-même et l’organe qui l’exerce. Refuserait-on la qualité de pouvoir législatif ou de pouvoir exécutif, car la Constitution ne mentionne que « le Parlement » ou « le Gouvernement » ? Certainement pas.
Alors qu’il fuit le rapport humain, dès lors qu’il pourrait être délicat comme au Salon de l’agriculture, François Fillon plonge ainsi dans le rapport de force. Ce faisant, ce n’est pas son parti qu’il met en danger. Mais bien la démocratie.
Rappelons qu’il n’a rien à perdre. Qu’il risque de le payer très cher, par une défaite, une humiliation, une condamnation politique, une condamnation pénale lui importe peu. C’est un combat « à mort » : s’il le perd, ce ne sera qu’en tombant et il s’en remet au peuple.
Cette stratégie du rapport de force s’appuie sur trois étapes essentielles.