On évoque fréquemment les pouvoirs très larges dont bénéficierait le Président de la Vème République. Il faut se méfier de ces considérations trop hâtives.
Si la pratique institutionnelle instaure un Président politiquement fort, la Constitution, en réalité, établit un Président juridiquement faible.
En effet, cette dernière, formellement, ne lui confie ni le soin de définir la politique nationale, ni l’initiative des lois, ni le pouvoir réglementaire, ni la faculté de renvoyer le Premier ministre quand il le souhaite. Il est censé se cantonner à un rôle d’arbitrage et toutes les prérogatives évoquées reviennent au chef du Gouvernement.
On ne change pas de Constitution comme on change de chemise… ou de costume.
Certes, la France est passée reine en matière de changements constitutionnels, ayant connu, depuis 1789, près d’une quinzaine de régimes différents et autant de Constitutions, souvent révisées, parfois inappliquées. Toutes ne furent pas adoptées par une assemblée constituante et rares sont celles qui ont finalement été ratifiées par referendum.
Rappelons que celle de la Vème République, effectivement adoptée par referendum le 28 septembre 1958, ne fut pas élaborée par une assemblée constituante, ce qui fait figure d’exception en matière de Constitution républicaine.
Mais rappelons surtout que presque tout changement de Constitution et, depuis 1870, toute nouvelle Constitution tiennent à l’incapacité de l’État, non pas seulement à surmonter une crise institutionnelle, mais bien à faire face à une situation de guerre.
Chaque décision connaît un prix à payer, si bien que chaque décision se justifie et s’explique par le coût qu’elle engendre. Cela vaut au propre comme au figuré : ce coût est financier et politique.
Avant d’examiner le présent, jetons un regard vers le passé, certes récent.
Pourquoi Emmanuel Macron s’est-il lancé seul dans la campagne présidentielle ? Parce que politiquement, il avait beaucoup à gagner, même si le pari fut osé. Parce que financièrement, il savait pouvoir compter sur de multiples soutiens, lui assurant de pouvoir financer une bonne partie de sa campagne. Sa percée sondagière a fait le reste : rassuré par les intentions de vote, crédibilisé par des alliés importants, il est désormais certain de dépasser la barre des 5% des suffrages exprimés, lui garantissant le remboursement de 47,5% du plafond des dépenses (soit plus de 8 millions d’euros pour le premier tour, soit le montant qu’il a emprunté).
Nombreux sont ceux qui se sont émus, mercredi 29 mars, lorsque Manuel Valls a annoncé qu’il voterait pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, non pour Benoît Hamon. Il a effectivement trahi son engagement, pourtant signé de sa main, « à soutenir publiquement le (la) candidat-e qui sera désigné-e à l’issue des élections primaires citoyennes et à [s]’engager dans sa campagne ».
Ce n’était pourtant pas un scoop. Il avait déjà refusé de donner son parrainage à Benoît Hamon. On savait également quelles étaient ses réserves vis-à-vis de ce candidat, certes désigné au terme d’un processus démocratique, néanmoins issu du courant minoritaire du parti dont il est investi.
Ce n’était pas non plus le premier à trahir ainsi son engagement de la primaire : sans évoquer les membres du Gouvernement ou autres « responsables » du Parti socialiste, auxquels un tel engagement ne s’applique formellement pas, François de Rugy avait ouvert la voie.
Toutefois, sa position d’ancien Premier ministre et de candidat qualifié au second tour de cette primaire donne une tout autre dimension à sa démarche.