Alors qu’il fuit le rapport humain, dès lors qu’il pourrait être délicat comme au Salon de l’agriculture, François Fillon plonge ainsi dans le rapport de force. Ce faisant, ce n’est pas son parti qu’il met en danger. Mais bien la démocratie.
Rappelons qu’il n’a rien à perdre. Qu’il risque de le payer très cher, par une défaite, une humiliation, une condamnation politique, une condamnation pénale lui importe peu. C’est un combat « à mort » : s’il le perd, ce ne sera qu’en tombant et il s’en remet au peuple.
Cette stratégie du rapport de force s’appuie sur trois étapes essentielles.
Répondant à l’invitation de l’Institut ibéro-américain de droit constitutionnel, j’ai pu exposer, lors de son XIIIème Congrès qui s’est tenu du 1er au 3 février derniers, la notion de « fait majoritaire contestataire » qui caractérise le quinquennat de François Hollande, à l’aune des événements les plus récents. C’était également une occasion de rendre hommage à la Constitution mexicaine qui a célébré, du 31 janvier au 5 février 2017, son 100ème anniversaire.
Si j’ai déjà présenté ce fait majoritaire d’un genre nouveau, ici ou là, je livre ici les grandes lignes de ma communication, qui en expose les dernières évolutions. Elles ne manquent pas d’éclairer la teneur du débat afférent à la campagne présidentielle.
La décision de François Hollande du 1er décembre 2016 de ne pas se présenter à sa propre succession au terme de son premier mandat est historique. Elle est l’aboutissement d’un quinquennat lui-même particulier, qui a vu naître un fait majoritaire d’un nouveau genre : le fait majoritaire contestataire.
L’Assemblée nationale et, avec elle, le Sénat vont interrompre leurs travaux cette semaine.
C’est classique, à l’approche de l’élection présidentielle. Afin de permettre aux parlementaires de se mobiliser pour la campagne et éviter que le travail législatif n’interfère dans le débat présidentiel, il est de coutume que le Parlement suspende ses travaux environ deux mois avant le premier tour du scrutin.
Ainsi, sauf circonstances graves, le Parlement ne devrait plus se retrouver dans sa configuration actuelle.
Il faut évidemment réserver les éventuels cas de crise, par définition imprévisibles et dont on ne peut donc pas envisager tous les scénarios. Cela peut aller de la commission d’autres attentats à l’engagement de l’article 16 de la Constitution, en passant par un événement qui toucherait directement le Gouvernement ou le Président de la République. Sans que ce soit imposé, il serait alors fort probable que le Parlement se réunisse.
François Fillon ne se retirera pas de la course à l’élection présidentielle.
Il ne s’agit là ni d’une prophétie ni d’une métamorphose de ce blog, de La Constitution décodée à La Constitution démystifiée, où son auteur aurait confondu le texte de 1958 avec une boule de cristal. Ce n’est qu’une analyse, reposant sur un argument juridique, un autre politique, un dernier qui associe les deux aspects.
Qu’on le précise d’emblée, ces trois arguments ne sont ni la séparation des pouvoirs, ni la légitimité populaire issue de la primaire, ni même la conviction profonde du concerné qu’il est le seul de son camp à pouvoir espérer l’emporter.
Qu’on le détaille néanmoins quelque peu, le principe de la séparation des pouvoirs, constitutionnellement consacré et fondamental dans une démocratie, ne s’oppose point à ce qu’une enquête soit menée à l’endroit d’un parlementaire.
Ce dernier dispose d’une immunité garantie par l’article 26 de la Constitution. Elle est totale à l’égard « des opinions ou votes » qu’il peut émettre « dans l’exercice de ses fonctions ». Elle est partielle « en matière criminelle ou correctionnelle », où il ne peut faire l’objet « d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie ».
Or l’emploi d’un collaborateur ne concerne ni une opinion ni un vote.