Si le Gouvernement persiste à recourir à une application de traçage des contacts lors du déconfinement, alors il faut que le Parlement vote : non seulement à l’issue du débat des 28 et 29 avril, mais surtout pour encadrer ses conditions de mise en œuvre. Plusieurs arguments plaident en ce sens et, sans rendre impératif le recours à la loi, ils suffisent à se convaincre qu’il est indispensable.
On lit que l’application « StopCovid » remplirait les critères permettant son déploiement par simple décret : elle fonctionnerait sur la base du consentement de l’utilisateur et elle répertorierait des données personnelles de façon anonyme, sans que leurs titulaires puissent être identifiés. En effet, sous réserve du strict respect de ces conditions, le droit actuel, notamment le Règlement général sur les données personnelles (le fameux « RGPD »), permettrait l’utilisation d’une telle application destinée à prévenir des individus qui ont été en contact (à proximité) d’une personne diagnostiquée positive au Covid-19, au moment où ce diagnostic est confirmé par un médecin.
Notre Constitution est notre socle commun, qui fonde notre Nation. Elle est aussi notre ultime rempart en cas de violation du droit et, notamment, de nos droits et libertés.
Elle doit ainsi offrir un fondement constitutionnel aux états de crise et aux états d’exception. Non pour les faciliter mais, au contraire, pour les encadrer.
Au lendemain des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, lorsque l’état d’urgence avait été déclaré, le Président François Hollande avait souhaité que la Constitution soit révisée pour y intégrer l’état d’urgence, sans « compromettre l’exercice des libertés publiques ».
On ne compte plus les dispositions plus liberticides que restrictives. Certaines pourraient faire sourire si elles étaient prises un 1er avril, mais elles effraient parce qu’elles sont réelles et sérieuses. À Paris, les activités physiques sont interdites entre 10 heures et 19 heures. Mesure d’abord à destination des joggeurs, elle est inefficace : elle concentre principalement les coureurs entre 7 heures et 10 heures, puis entre 19 heures et 20 heures, si bien qu’ils courent, mais encourent surtout grand risque de se contaminer les uns les autres.
Que sommes-nous encore prêts à accepter face à la crise sanitaire que nous traversons ?
Confinement, interdiction de réunion, fermetures d’établissements recevant du public, modifications des congés payés, travail le dimanche, suspension de services publics essentiels, etc. Toutes ces mesures ont été décrétées sans pratiquement aucun débat démocratique. Soit il fut tronqué, le Parlement devant travailler dans l’urgence, vite et mal, soit il n’eut pas lieu du tout, la mesure étant issue d’une décision de l’Exécutif.
Décrétées, elles peuvent toutefois faire l’objet de contestation. On devrait alors pouvoir compter sur l’ultime rempart qu’est le juge. En particulier lorsqu’il est porté atteinte à la liberté individuelle.
Rappelons que la détention provisoire concerne des prévenus au cours de la phase d’instruction ou avant l’audiencement, donc avant toute condamnation : elle concerne ainsi des personnes présumées innocentes. Le placement et toute prolongation sont subordonnés à la décision d’un juge, afin de respecter l’article 66 de la Constitution.