Notre Constitution est notre socle commun, qui fonde notre Nation. Elle est aussi notre ultime rempart en cas de violation du droit et, notamment, de nos droits et libertés.
Elle doit ainsi offrir un fondement constitutionnel aux états de crise et aux états d’exception. Non pour les faciliter mais, au contraire, pour les encadrer.
Au lendemain des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, lorsque l’état d’urgence avait été déclaré, le Président François Hollande avait souhaité que la Constitution soit révisée pour y intégrer l’état d’urgence, sans « compromettre l’exercice des libertés publiques ».
On ne compte plus les dispositions plus liberticides que restrictives. Certaines pourraient faire sourire si elles étaient prises un 1er avril, mais elles effraient parce qu’elles sont réelles et sérieuses. À Paris, les activités physiques sont interdites entre 10 heures et 19 heures. Mesure d’abord à destination des joggeurs, elle est inefficace : elle concentre principalement les coureurs entre 7 heures et 10 heures, puis entre 19 heures et 20 heures, si bien qu’ils courent, mais encourent surtout grand risque de se contaminer les uns les autres.
Que sommes-nous encore prêts à accepter face à la crise sanitaire que nous traversons ?
Confinement, interdiction de réunion, fermetures d’établissements recevant du public, modifications des congés payés, travail le dimanche, suspension de services publics essentiels, etc. Toutes ces mesures ont été décrétées sans pratiquement aucun débat démocratique. Soit il fut tronqué, le Parlement devant travailler dans l’urgence, vite et mal, soit il n’eut pas lieu du tout, la mesure étant issue d’une décision de l’Exécutif.
Décrétées, elles peuvent toutefois faire l’objet de contestation. On devrait alors pouvoir compter sur l’ultime rempart qu’est le juge. En particulier lorsqu’il est porté atteinte à la liberté individuelle.
Rappelons que la détention provisoire concerne des prévenus au cours de la phase d’instruction ou avant l’audiencement, donc avant toute condamnation : elle concerne ainsi des personnes présumées innocentes. Le placement et toute prolongation sont subordonnés à la décision d’un juge, afin de respecter l’article 66 de la Constitution.
L’état d’urgence sanitaire est désormais en vigueur en France, pour une durée de deux mois, du fait de la loi du 23 mars 2020. Il vient conférer une base légale à l’ensemble des mesures qui ont été prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dont le confinement décrété à compter du 17 mars à 12 heures, alors même que cela ne paraissait pas indispensable. En effet, dimanche 22 mars, le Conseil d’État a rendu une ordonnance dans laquelle il retient que « le Premier ministre peut, en vertu de ses pouvoirs propres, édicter des mesures de police applicables à l’ensemble du territoire, en particulier en cas de circonstances exceptionnelles, telle une épidémie avérée, comme celle de covid-19 que connaît actuellement la France ».
Cet état d’urgence sanitaire n’est donc pas tant destiné à conférer une telle base légale qu’à renforcer les mesures qui pourront être prises.
Il s’agit d’un nouvel état d’exception, inspiré de l’état d’urgence « sécuritaire », déclenché et modernisé après les attentats du 13 novembre 2015. Mais, similaire dans son appellation et son déclenchement (par décret en Conseil des ministres), il s’en éloigne nettement par son régime, avec des mesures encore plus attentatoires aux droits et libertés.