Rares auront été les périodes où la Constitution a été à ce point évoquée dans le débat public. Après s’être rappelés qu’il existait un article 49, al. 3, les Français ont découvert qu’il y avait aussi un article 47-1, puis un 44, al. 3, un « RIP » de l’article 11 et, aujourd’hui, un article 40.
Une telle appropriation de la Constitution par les citoyens serait saine et bienvenue, si elle ne venait souligner l’ampleur des excès commis dans le respect de cette norme. Car, après confirmation du Conseil constitutionnel que la loi de réforme des retraites a été adoptée conformément à la Constitution, l’épisode de la semaine dernière, lors de l’examen en commission de la proposition de loi déposée par le groupe LIOT et destinée à abroger cette réforme, est de nouveau respectueux de la lettre de la Constitution et du Règlement de l’Assemblée nationale. De même, si, jeudi, la Présidente de l’Assemblée nationale oppose l’article 40 de la Constitution à un amendement d’un parlementaire rétablissant l’article 1er de la proposition de loi, supprimé en commission, la Constitution ne sera pas davantage malmenée.
Après le dossier de la réforme des retraites, dont le dernier acte n’a sans doute pas encore été écrit, l’immigration est désormais celui qui empoisonnera les prochaines semaines du Gouvernement et de la majorité.
Tout indique que l’actuelle majorité, ainsi que le Gouvernement et le Président de la République qu’elle soutient, ne sont pas à l’aise avec la liberté, qui constitue pourtant l’un des principes cardinaux de la démocratie en général, de notre régime en particulier.
C’est parce que nous sommes libres, de nos choix, de nos opinions, de nos mouvements, que nous pouvons collectivement décider de la politique que doivent conduire ceux que nous élisons à cette fin. À l’inverse, une décision qui nous serait imposée par une autorité que nous n’aurions pas choisie serait une atteinte à notre liberté.
Cette liberté n’est évidemment pas sans borne : comme le rappelle justement l’article 4 de la Déclaration de 1789, elle « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », ce que l’on formule souvent selon l’adage populaire « la liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Ce même article 4 précise que seule la loi peut ainsi fixer des bornes à l’exercice de la et des libertés.
Ce n’est pas l’institution qui est en cause : les moyens à sa disposition étaient insuffisants pour que les droits du Parlement soient davantage préservés, déplore Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et rédacteur de l’une des saisines.
Par une décision minimaliste, le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi de réforme des retraites. Il ne censure que six dispositions, au titre de « cavaliers sociaux », c’est-à-dire des éléments qui n’ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Comme on pouvait s’y attendre, cette décision suscite une vive critique des uns et la grande satisfaction des autres. Il est vrai que les arguments juridiques ne manquaient pas à l’encontre de cette loi. Le véhicule de la loi de financement de la sécurité sociale ne paraissait ni adapté ni avoir été imaginé pour réaliser une telle réforme. L’application stricte des délais prévus par l’article 47-1 de la Constitution n’était justifiée par aucune urgence ni par la nécessité d’assurer la continuité de la vie de la Nation. L’accumulation des leviers de procédure au Sénat était d’une ampleur exceptionnelle, conduisant à l’irrecevabilité ou à la mise à l’écart de plusieurs milliers d’amendements, ce qui aurait pu être de nature à altérer le principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire.