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Le pari de la dissolution

La dissolution est telle une balle unique dans un revolver : bien plus utile tant qu’elle reste dans le chargeur que lorsqu’elle en sort.

En effet, lorsqu’elle est déclenchée, que l’Assemblée nationale est dissoute, l’ensemble des députés doivent certes retourner devant les électeurs, mais ils n’ont plus à la craindre. En quelque sorte, le mal est fait : une séquence électorale se substitue à celle de l’action politique et il ne pourra plus y avoir de dissolution pendant au moins un an. À l’inverse, tant qu’elle n’est pas prononcée, elle permet de discipliner, éventuellement de menacer, contraignant alors les députés – surtout ceux de la majorité – à ne pas commettre trop d’écarts.

Les premières semaines de la législature, les premiers échanges et les premières adoptions de projets de loi confirment que, si une dissolution doit se dessiner, ce n’est pas avant un horizon lointain et qu’il est bien plus probable qu’en l’état actuel des équilibres, elle n’aura pas lieu.

Rappelons au préalable que la dissolution peut avoir deux vocations : la dissolution-sanction ou la dissolution-construction.

Borne bis

Il y a un mois et demi, avec la nomination d’Elisabeth Borne comme Première Ministre, Emmanuel Macron décidait de changer pour ne pas changer. Aujourd’hui, avec le large remaniement auquel il a été procédé, il ne change pas pour changer.

En effet, formellement, le Gouvernement n’a pas démissionné et seul un remaniement a eu lieu. C’est un détail qui a juridiquement son importance et on y reviendra. Mais politiquement, nous avons bien un nouveau Gouvernement Borne, point qualifiable de « Borne II », mais au moins de « Borne bis », tant les changements sont importants et nombreux.

Cinq Ministres ou Secrétaires d’État sont partis, dont trois pour cause de défaite aux élections législatives (Justine Bénin, Brigitte Bourguignon et Amélie de Montchalin) et une pour élection à la présidence de l’Assemblée nationale (Yaël Braun-Pivet, même si son départ a été anticipé de quelques jours). 

L’instant constitutionnel

La décision de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin dernier, par laquelle elle revient sur la garantie fédérale du droit à l’avortement, suscite une vive émotion, au-delà même des frontières au sein desquelles cette décision s’appliquera.

Que l’émotion soit forte est compréhensible et justifié. Qu’elle suscite un débat sur le niveau de garantie du droit à l’avortement est sain. Qu’elle emporte, par elle-même, une révision constitutionnelle française réalisée dans la précipitation serait en revanche préoccupant.

Il ne s’agit pas, ici, de trancher la question de la nécessité, ou non, d’inscrire un tel droit dans notre propre Constitution, précisément parce que l’on pense qu’apprécier cette nécessité suppose un débat démocratique serein et apaisé, au-delà de toute émotion liée à une évolution jurisprudentielle d’un État étranger. Des arguments plaident incontestablement en faveur d’une telle évolution constitutionnelle : l’importance d’un tel droit pour la liberté et la vie des femmes, sa protection renforcée par sa garantie au niveau constitutionnel, sa fragilité, dans l’absolu, illustrée par cette décision récente et par le nombre élevé de pays pénalisant encore fortement l’interruption volontaire de grossesse, même parmi les démocraties.

À l’inverse, d’autres arguments plaident en sens inverse. On ne rappellera que ceux qui justifient, à ce stade, de ne point se précipiter.

Macron élu, Macron battu

Élu démocratiquement le 24 avril au soir, Emmanuel Macron a été politiquement battu dès le 19 juin.

« Battu », le mot est peut-être fort, mais il traduit une cruelle vérité : la majorité des Français ou même des électeurs ne soutient pas le Président de la République et la politique qu’il propose de mener. Après le précédent de 1988, c’est la seconde fois dans l’histoire de la Ve République que le Gouvernement ne disposera que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Toutefois, en 1988, la majorité absolue n’était manquée que d’une petite quinzaine de sièges. Aujourd’hui, il en manque plus de quarante.

Ces résultats viennent dissiper deux malentendus lancinants à propos de notre régime.

D’une part, nul besoin de scrutin proportionnel pour assurer le pluralisme politique de l’Assemblée nationale. Au contraire, malgré un scrutin majoritaire, une réelle diversité apparaît. Surtout, grâce à ce mode de scrutin, les coalitions ont nécessairement dû se former en amont de l’élection, pouvant ainsi être soumises à l’approbation des électeurs.

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