Ce 1er juillet 2018, le Mexique a connu les élections les plus importantes de son histoire, en nombre de fonctions à pourvoir. Et sans doute les plus révolutionnaires en termes de résultats.
Le processus électoral mexicain repose principalement sur deux institutions fondamentales : l’Institut national électoral (INE) et le Tribunal électoral fédéral (TEPJF). Le premier est une autorité administrative indépendante, notamment en charge de l’organisation des élections : enregistrement des candidatures, des partis politiques, édition des bulletins de vote, organisation des bureaux de vote, gestion du matériel électoral, etc. Le second est en charge du contrôle des élections, entendues au sens large, de la désignation des candidats à la proclamation des résultats, en passant par tout le déroulement de la campagne électorale. Cela signifie qu’il peut contrôler également le fonctionnement interne des partis politiques, dans leurs règles d’investiture des candidats et de participation à la vie démocratique.
Le TEPJF, associé à l’INE, m’a désigné Observateur international des élections, expérience fort enrichissante dont voici quelques retours. Nous étions plus de 900 observateurs internationaux, issus de plus de 60 pays, que ce soit d’Amérique latine ou du reste du monde.
Les élections concernaient le Président, élu pour un mandat de six ans non renouvelable. Il y avait quatre candidats : Jose Antonio Meade Kuribreña, principalement soutenu par le PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel (parti hégémonique, au pouvoir actuellement), Ricardo Anaya Cortes, principalement soutenu par le PAN (Parti d’action nationale, principal parti d’opposition, arrivé au pouvoir en 2000 avec Vicente Fox), Andres Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, principalement soutenu par Morena (parti spécialement créé pour l’élection, historiquement en dissidence au PRI ; il se présente comme un candidat de la gauche « antisystème ») et Jaime Heliodoro Rodriguez Calderon, dit « El Bronco », candidat indépendant (pour être candidat, il faut être soutenu par un parti, sauf à recueillir le soutien de 1% de citoyens inscrits sur les listes électorales, soit environ 890.000 signatures).
Un même candidat peut être soutenu par plusieurs partis politiques.
Rien de tout cela : aucune disposition de la réforme, dans quelque texte que ce soit (constitutionnel, organique ou ordinaire) n’en fait mention.
Des parlementaires se sont néanmoins saisis du sujet et au terme des réflexions d’un groupe de travail bicaméral, un amendement va être déposé pour adosser une Charte du numérique au Préambule de la Constitution.
Sur le fond, le principe est louable. Mais sur la forme, la méthode est contestable.
Le principe est louable car le numérique trouve pleinement sa place dans la Constitution. En effet, il s’impose toujours plus dans notre quotidien, d’une recherche la plus simple et basique à une démarche la plus technique et élaborée. Le nier serait naïf.
Si la fracture numérique existe, tant concernant des zones non couvertes qu’à l’égard de personnes ne faisant pas usage d’Internet, elle ne doit pas constituer une cause du non développement du numérique, mais un fait qu’il faut réduire. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs déjà reconnu la liberté d’accès à Internet et interdit notamment de couper cet accès, à l’instar de l’eau ou de l’électricité.
Il s’agit d’une interview donnée pour le supplément Codes et Lois du Cahier Législatif, édité par LexisNexis. Elle est publiée avec l’aimable autorisation de LexisNexis et de sa Rédaction législation, que je remercie très sincèrement.
Le Gouvernement a décidé de dissoudre le Sénat. Pourtant, la Constitution ne le permet pas, limitant cette possibilité à l’encontre de la seule Assemblée nationale.
Après le volet constitutionnel le 9 mai 2018, ce sont les volets organique et ordinaire de la réforme des institutions voulue par Emmanuel Macron qui ont été adoptés en Conseil des ministres, le 23 mai 2018 et déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale.
À cela s’ajoute le renouvellement intégral du Sénat en 2021, qui avait été évoqué mais non encore confirmé. La raison invoquée est « d’éviter une entrée en vigueur progressive de la réduction du nombre de sénateurs à chaque renouvellement partiel du Sénat, ce qui conduirait à un déséquilibre excessif entre les deux séries », comme le précise l’exposé des motifs. Ainsi, les sénateurs élus en 2017 (série 1) verraient leur mandat réduit de deux ans, soit un tiers de sa durée, tandis que les sénateurs élus en 2014 (série 2) verraient leur mandat prorogé d’un an. Afin de revenir immédiatement au principe du renouvellement partiel, les premiers (série 1) seraient bien élus pour six ans (jusqu’en 2027), mais les seconds (série 2) seulement pour trois ans (jusqu’en 2024).
Ce serait la première fois que la durée du mandat d’un parlementaire sera autant affectée, hormis l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale, prévue par la Constitution.
Cela fait beaucoup d’éléments constitutionnels, non prévus par la Constitution, qu’il faudrait admettre
Par le passé, le mandat des députés avait été prolongé en 2001, avec effet sur le mandat en cours, pour rétablir le calendrier électoral et prévoir leur élection après l’élection présidentielle. Mais ce ne fut que de onze semaines. Quant au Sénat, le mandat fut prorogé d’un an pour tous les sénateurs par la loi du 15 décembre 2005, afin de permettre que le renouvellement du Sénat se fasse après les élections locales, elles-mêmes reportées en raison de l’accumulation d’élections au cours de l’année 2007. Jamais le mandat des sénateurs ne fut raccourci en cours de mandat, tandis que celui des députés ne le fut qu’en vertu du droit de dissolution.
De surcroît, la Constitution prévoit expressément que le Sénat se renouvelle partiellement, à travers la durée du mandat de son Président, lequel est élu « après chaque renouvellement partiel ». Certes, il ne s’agit pas d’une disposition qui impose directement un tel mode de renouvellement (comme c’est le cas, par exemple, pour l’élection au suffrage indirect, à l’article 24), mais elle l’induit néanmoins et il faudrait admettre que l’on puisse y déroger de façon exceptionnelle, sans que la Constitution ne le dise.
De plus, si on l’interprète strictement, cet article signifierait a contrario qu’après un renouvellement intégral, donc non partiel, on ne procèderait pas à l’élection du Président du Sénat, ce qui serait problématique. On pourrait alors admettre que cette obligation de l’élire « après chaque renouvellement partiel » signifie que l’on doit également l’élire après un renouvellement intégral, alors que la Constitution ne le prévoit pas. Mais cela commence à faire beaucoup d’éléments constitutionnels et non prévus par la Constitution qu’il faudrait admettre.
Si le maintien de la périodicité normale pourrait porter atteinte au principe d’égalité des suffrages, pour une partie seulement du Sénat, la modification porterait atteinte à l’article 32 de la Constitution, pour tout le Sénat, ainsi qu’à l’égalité du suffrage, pour une partie du Sénat, car les sénateurs élus par les électeurs de 2017 n’exerceraient leur mandat que pendant quatre ans, là où ceux élus par les électeurs de 2014 l’exerceraient pendant sept ans, soit presque le double.
Par ailleurs, la périodicité du renouvellement du Sénat le place à l’abri des secousses politiques de l’instant, ce qui contribue fortement à la différencier de l’Assemblée nationale et donc à justifier son existence. Elle est ainsi directement liée à son statut de seconde chambre et concerne l’équilibre même du bicamérisme sa nature même.
Sans compter, ne l’oublions pas, que ce renouvellement intégral relève d’une disposition organique… relative au Sénat. Il lui faut donc la voter : ce n’est pas fait.