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Western Spaghetti

On imagine parfaitement la scène, scénarisée et réalisée par un Sergio Leone au meilleur de sa forme, mise en musique par un Ennio Morricone plus inspiré que jamais.
Les protagonistes se scrutent. Certains sont plus vaillants que d’autres, qui ont déjà essuyé quelques balles. Mais tous sont prêts à dégainer leur colt, au moindre mouvement.
Le vent souffle, mais les chapeaux restent vissés sur les têtes. Le train siffle, mais personne ne bouge, encore. La musique est angoissante mais prenante.
Comment ces protagonistes en sont-ils arrivés là, se retrouvant en plein désert, isolés mais non esseulés, où tout est décidé mais rien, ou presque, ne pourra se décider ? Dans cette Italie qui se retrouve(ra) isolée sur la scène européenne, par rapport à la France et l’Allemagne – laquelle vient de valider, non sans mal, la grande coalition et pourra enfin se doter d’un Gouvernement. Dans cette Italie qui n’est pourtant pas esseulée face à la montée du populisme, qui gagne la Hongrie et la Pologne, la France et l’Allemagne, ainsi que les États-Unis. Dans cette Italie où tout fut décidé hier, par le jeu d’un seul scrutin qui a permis d’élire 945 parlementaires (630 députés et 315 sénateurs). Mais où rien ne pourra se décider, avant un long moment, le paysage politique étant éclaté, comme l’Italie en a l’habitude et aucune majorité ni aucune coalition ne paraissant émerger.
Ils sont arrivés là par la volonté de 72,91% des électeurs, qui se sont moins mobilisés que lors des élections précédentes (en 2013, la participation était de 75,24%), mais davantage que ce que prédisaient les sondages.

Salvini et Berlusconi, duettistes d’hier, pourraient être les duellistes de demain

Ils sont arrivés là au terme d’un scrutin dont les modalités, établies par une loi de novembre dernier, n’étaient pas des plus simples. Le mode de scrutin, à un seul tour, est mixte : un gros tiers des parlementaires (232 députés et 116 sénateurs) sont élus au scrutin uninominal majoritaire, deux petits tiers le sont au scrutin proportionnel de liste. Pour participer à la répartition des sièges, les coalitions ou les listes isolées doivent avoir respectivement franchi un seuil national de 10% et 3% des voix.

Ordonner n’est pas légiférer

Le Gouvernement sait ordonner. Mais il oublie de parlementer.

Lorsqu’il avait été décidé de recourir aux ordonnances pour réformer le droit du travail, au lendemain des élections législatives, la démarche ne paraissait pas contestable. D’abord, elle avait été clairement exposée pendant la campagne présidentielle, puis législative. Ensuite, il y avait un désir d’engager rapidement des réformes importantes et symboliques, pour qu’elles apportent des résultats, à brève échéance.

Les ordonnances apparaissent ainsi, parfois, comme un mécanisme de soulagement plus que de contournement du Parlement. Car sur des sujets urgents, techniques et complexes, il peut être sage d’user d’un mécanisme qui épargne le Parlement d’un débat sans fin.

Mais si la même sagesse n’anime pas le Gouvernement lorsqu’il y a recours, c’est à un risque de déni de démocratie que l’on s’expose. Et le Parlement épargné devient un Parlement évincé.

Or il est tentant de taire d’emblée une discussion que l’on saura houleuse et délicate. Ainsi, présentées comme soulagement d’un Parlement confrontées aux nombreuses réformes du début de Législature, les « ordonnances travail » permettaient aussi de soulager l’Exécutif d’un débat politique qui aurait pu ne pas tourner à son avantage : elles ont utilement servi à le contourner.

La conquête de l’espace

L’extrême droite se divise, la droite se radicalise, le centre se droitise.

C’est un constat que l’on peut dresser du paysage politique actuel, en France. Il n’y a qu’une cause à cela : l’élection présidentielle et ses résultats. Il y a une conséquence qui mérite d’être soulignée : la gauche bénéficie d’un espace qu’elle peine à occuper. Et qu’elle peut (re)conquérir.

Comme ce fut le cas en 2002, quoique pour des raisons différentes, la qualification au second tour de Marine Le Pen va entraîner un repli du vote (purement) frontiste. En 2002, c’était par dégoût et rejet du père ; en 2017, c’est par arrogance et incompétence de la fille. Sa piètre prestation lors du débat de l’entre-deux tours et son maintien indiscuté à la tête du parti ont conduit à une première scission.

Florian Philippot a fondé son propre parti, souhaitant ainsi se démarquer de deux noms au passé symbolique et indélébile pour de nombreux électeurs : « Le Pen » et « Front national ». En prônant pourtant la même idéologie d’extrême droite, pour la simple raison qu’il a largement contribué à la forger au cours de ces dernières années, il espère rajeunir et raviver les positions politiques de la droite « patriotique », c’est-à-dire, d’abord, nationaliste et extrémiste.

Les Républicains étaient assurés de remporter l’élection présidentielle. Ils l’ont néanmoins perdue. Il leur faut désormais se recentrer sur leur idéologie. En effet, la double déception que leurs partisans ont vécu, la défaite elle-même et sa cause, ne pourra être effacée qu’en puisant aux racines de leur philosophie conservatrice, pour rallier les égarés et contenir les fuites vers un centre droit qui gouverne, ou vers une extrême droite qui se reconstruit.

Le centre, quant à lui, a remporté l’élection présidentielle. C’est historique et doublement exceptionnel : d’abord, parce que, s’il contribue systématiquement à la victoire, il ne l’avait encore jamais obtenue ; ensuite, parce que la majorité des électeurs était positionnée à droite, non au centre. La victoire d’Emmanuel Macron est due au renoncement de François Hollande, lui permettant de faire le plein de voix, ainsi qu’à l’affaire Fillon, permettant à ce dernier de faire le vide des siennes.

Les européennes (d’)En marche

Manœuvre électoraliste ou renforcement démocratique ? Les deux : manœuvre électoraliste « et en même temps » renforcement démocratique !

Tel paraît être l’objet du projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen qui sera débattu cette semaine à l’Assemblée nationale. Il a pour principal objet le retour à la circonscription électorale unique, en vigueur de 1977 à 2003.

Il était complété, sur le plan politique, par la volonté d’établir une circonscription européenne, commune à tous les États membres, avec des listes transnationales. Dans une résolution du 7 février 2018, le Parlement européen s’y serait opposé. En réalité, tel n’est pas exactement le cas. Il avait recommandé une telle mesure dans une résolution de 2015. Sans se dédire en 2018, il signale toutefois que cela requiert du temps et qu’il serait bon de ne pas y songer au dernier moment, à seulement un an des échéances électorales.

En France, la circonscription électorale unique avait été remplacée en 2003 par huit circonscriptions interrégionales.

Le motif avancé était de rapprocher les élus de leurs électeurs. Le Gouvernement dénonce aujourd’hui un échec, en se fondant sur la faiblesse de la participation aux élections de 2004, de 2009 et de 2014, avec respectivement de 42,76%, 40,63% et 42,43% des inscrits.
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