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À qui revient le dernier mot ?

Le pôle Institutions de L’Hétairie (association qui contribue au débat d’idées en produisant et en diffusant une réflexion de gauche sur l’ensemble des sujets qui structurent la vie politique française) publie aujourd’hui un livret sur « Contrôle de constitutionnalité : débat autour d’une clause de dernier mot au profit du Parlement ».
Mettant en question la légitimité du Conseil constitutionnel quand celui-ci contraint la légitimité du législateur, ce sujet concerne l’équilibre même de notre démocratie.
Ce livret (dont on peut télécharger une version intégrale en PDF ici) propose quatre contributions.
Jean-Eric Schoetl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, plaide pour une « clause de dernier mot » qui permettrait au Parlement de s’opposer à une décision du Conseil. Il développe les raisons qui le conduisent à défendre une vraie mutation de notre droit.
Benoît Schmaltz, maître de conférences en droit public, revient sur ces arguments qu’il pondère, notamment grâce à une approche de droit comparé. Il préconise toutefois la possibilité d’une loi de validation constitutionnelle lorsqu’une décision s’éloigne trop du texte originel de 1958 ou de l’esprit de ses rédacteurs.
Bertrand Mathieu, professeur agrégé des facultés de droit reste plus circonspect, même s’il partage la logique intellectuelle à l’origine de ces propositions. Il préfère plutôt se prononcer en faveur d’un regain référendaire.

« Le silence est mon droit »

Hier, Alexandre Benalla a été une nouvelle fois auditionné par la Commission des Lois du Sénat, dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, à propos de la question des passeports diplomatiques qui étaient en sa possession et qu’il a utilisés pour voyager. La semaine dernière, une nouvelle information judiciaire a été ouverte et Monsieur Benalla a été mis en examen pour l’usage sans droit de ces passeports.

Au cours de son audition, il a plusieurs fois refusé de répondre aux questions des sénateurs. Après avoir répondu aux questions du Parisien, je suis revenu ce matin sur ce « droit à garder le silence » dans la chronique hebdomadaire « L’œil de… », dans Territoire d’Infos sur Public Sénat.

Grand rabâchage national

Le « Grand débat national » paraît – enfin – ouvert.

Promis pour décembre, repoussé à début janvier, il débute donc le 15 janvier. Promis pour trois mois, il n’en durera que deux, puisque le Président de la République en fixe le terme au 15 mars. Promis des plus ouverts, destiné à « transformer les colères en solutions », afin que « nous nous reposions ensemble les grandes questions de notre avenir », tout laisse penser, pourtant, qu’il sera canalisé, fermé et orienté.

Du Grand débat national qui était promis il ne restera donc qu’un Grand rabâchage national d’idées préconçues, de propositions arrêtées, qu’il ne s’agit que de valider.

Cela ressort, en premier lieu, de la lettre qu’Emmanuel Macron a adressée aux Français. Certes, il y précise qu’« il n’y pas de questions interdites », parmi les quatre grands thèmes qui ont été retenus : fiscalité et dépenses publiques, organisation de l’État et des services publics, transition écologique, démocratie et citoyenneté.

Toutefois, cela permet d’exclure de grands sujets de société, non seulement ceux qui ont été évoqués ces derniers jours (la peine de mort, le mariage pour tous, l’interruption volontaire de grossesse), mais aussi ceux dont l’actuelle majorité entendait se saisir (élargissement de la procréation médicalement assistée, lois bioéthiques, par exemple). Il ne s’agit pas, ici, de soutenir qu’il faille revenir sur les premier sujets, au contraire : ce sont des avancées considérables dans la préservation des droits humains et il convient de les préserver, en les faisant d’ailleurs prospérer. Mais pourquoi exclure les seconds, si l’on prône un débat effectivement ouvert ? C’est donc davantage le décalage entre le discours et sa réalisation qui interpelle.

Surtout, alors que le « débat devra répondre à des questions essentielles qui ont émergé ces dernières semaines », le Président de la République précise que « nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger [l’impôt trop élevé qui prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s’investir dans les entreprises] afin d’encourager l’investissement et faire que le travail paie davantage ». En d’autres termes, il n’y a pas de questions interdites… sauf l’ISF (l’impôt de solidarité sur la fortune) ! À moins que le Président ne dise clairement aux Français « Causez braves gens, nous ne vous écouterons pas ».

Car c’est ce qui transparaît également des autres sujets abordés. Cela vaut à l’égard du modèle social, qui « est aussi mis en cause », car « certains le jugent insuffisant, d’autres trop cher en raison des cotisations qu’ils paient ». Comment ne pas voir là un écho au « pognon de dingue », tristement passé à la célébrité ? Cela vaut encore à l’égard des institutions et de leur réforme, où les questions sur la dose de proportionnelle, la réduction du nombre de parlementaires, le rôle des assemblées, « dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental » paraissent toutes largement orientées.

Non au populisme

Le référendum est un mécanisme de souveraineté populaire. Il ne doit pas devenir l’outil d’un souverain populiste.

Dans une démocratie, on le sait, le pouvoir souverain appartient au peuple. C’est le cas de la Ve République, dont la Constitution précise que le peuple exerce sa souveraineté « par ses représentants et par la voie du référendum ». C’est également le cas de la République italienne, dont la Constitution indique, quant à elle, que le peuple l’exerce « dans les formes et les limites de la Constitution », cette dernière laissant également une place à l’expression référendaire, qu’elle soit constitutionnelle ou législative.

Aujourd’hui, la démocratie est essentiellement représentative, ce qui ne remet pas en cause le pouvoir du peuple pour autant : il élit des représentants qui vont exercer le pouvoir, en son nom. Ces représentants bénéficient ainsi d’une légitimité démocratique. De surcroît, ils sont responsables, devant alors rendre des comptes au peuple lui-même, en particulier en fin de mandat, lequel détermine le temps dont ils disposent pour mener leur mission politique.

On assiste désormais à une crise de la représentation, en ce que les citoyens ne se sentent plus effectivement représentés par leurs représentants. Elle apparaît dès lors qu’au cours du mandat, la majorité du peuple ne soutient plus la majorité des représentants. Pour éviter cela ou en contrôler les effets néfastes, diverses solutions sont proposées.

On évoque parfois l’hypothèse d’élections de mi-mandat, comme c’est le cas aux États-Unis et, en réalité, dans la plupart des pays du continent américain. Ce n’est pas une solution car elle ne fait que poser le problème en termes plus brefs. La politique s’inscrit dans la durée, non dans l’immédiateté, raison pour laquelle il faut qu’un mandat offre à ses détenteurs le temps nécessaire à la réalisation de sa mission. Surtout, la crise de la représentation risquerait de réapparaître de façon encore plus prégnante, les élus se souciant davantage de leur réélection prochaine que de l’intérêt général.
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