Un million de soutiens, c’est beaucoup. Mais c’est encore largement trop peu.
En effet, pour être validé, le référendum d’initiative partagée requiert le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales soit, selon la décision même du Conseil constitutionnel, 4 717 396. Ces soutiens doivent être recueillis avant le 13 mars 2020, soit dans tout juste trois mois.
Autant le dire d’emblée : alors que moins d’un quart des soutiens nécessaires ont été confirmés et, sauf sursaut fort improbable, ce nombre ne sera pas atteint.
Les plus locales des élections présentent un enjeu éminemment national. Tel est le cas des élections municipales et celles des 15 et 22 mars 2020 ne dérogent pas à la règle.
Le Président de la République ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en cherchant à cajoler les maires lors de leur Congrès la semaine dernière, alors qu’il les avait ignorés l’an passé, dans un contexte de crise faisant que son absence avait été particulièrement remarquée.
L’enjeu politique de ces élections est fondamental, pour toutes les forces politiques en présence.
Il s’agit d’abord des véritables élections de mi-mandat, temporellement et politiquement. Au regard du calendrier, elles interviennent trois ans après l’élection de la nouvelle majorité et deux ans avant la fin de son mandat. Suffisamment de temps est passé pour juger efficacement d’éventuels résultats et il en reste encore assez pour tenir compte du message qui pourrait être envoyé par les électeurs.
Gilets jaunes, pièce en 53 actes… et peut-être plus encore.
Même si, avec 28 000 manifestants partout en France, dont 4 700 à Paris, le mouvement a perdu de son intensité, il traduit encore, lors de son premier anniversaire, un profond malaise social. Surtout, il confirme qu’il est extraordinaire et innovant, par son ampleur, par sa durée, par sa morphologie.
C’est la première fois, en France, qu’une contestation sociale s’installe ainsi dans la durée, malgré des « actes » qui mobilisent parfois beaucoup moins que d’autres. Au printemps 2018, la SNCF avait déjà innové avec un mouvement de grève de plusieurs mois, à raison de deux jours tous les cinq jours. Sans doute annonciatrice, cette protestation était sans commune mesure avec la contestation actuelle. Géographiquement présents sur la quasi-totalité du territoire, les Gilets jaunes persévèrent après un an de mobilisation et en dépit de leur absence de structure classique.
En effet, ils ne se retrouvent dans aucun syndicat ni aucun parti politique particulier, comme c’est généralement le cas des mouvements sociaux. Ils ne font pas grève, mais se mobilisent le samedi, chaque semaine depuis un an.
Cette morphologie déstructurée et horizontale des Gilets jaunes est ce qui constitue à la fois leur identité, leur force et leur faiblesse. Leur identité, car elle démontre qu’il s’agit de la société en général. Leur force, car ils sont ainsi présents partout et durablement. Mais leur faiblesse, car cela rend d’autant plus difficile le dialogue institutionnel et la réception par le Gouvernement de revendications précises.
La difficulté, d’ailleurs, ne concerne pas uniquement le mouvement lui-même, mais aussi les services de sécurité. S’ils peinent à garantir la sécurité des biens et des personnes, c’est d’abord parce qu’ils sont dépourvus de tout interlocuteur, leur permettant de canaliser efficacement le mouvement et d’isoler ceux qui n’ont d’autre intention que d’attiser la violence.
Ces spécificités font toute l’originalité et l’importance du mouvement des Gilets jaunes. Mais ce n’est pourtant pas ce qu’on en retient principalement.
Ce samedi encore, des casseurs se sont saisis de cette manifestation sociale pour mener des actions violentes, notamment à Paris.
« Répondre à la crise démocratique » : vaste sujet, vaste question.
C’est ce que François Hollande, Président de la République de 2012 à 2017, propose d’aborder dans un ouvrage paru le 23 octobre, chez Fayard. Il a accepté de venir en débattre avec les étudiants, à la faculté de droit de l’université de Lille, ce mardi 12 novembre 2019.
Dans le cadre d’entretiens, l’ancien Président de la République répond aux questions posées par Marc-Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova, à partir de son expérience : « J’ai pu moi-même faire le constat des ambiguïtés et des contradictions de notre Constitution. Elle tente de plus en plus mal de conjuguer le régime parlementaire avec une dérive présidentialiste qu’amplifie le quinquennat. Loin d’ajouter les avantages de l’autorité et de la responsabilité, ce mélange des genres aboutit à une confusion au sein de l’exécutif, avec la dyarchie Président-Premier ministre, et à une concentration excessive des pouvoirs au détriment du Parlement. Elle conduit la majorité à l’Assemblée nationale à un dilemme impossible : la loyauté jusqu’au bout ou la fronde jusqu’à sa perte » (page 14).
À propos de l’équilibre institutionnel de la Ve République, trois aspects sont mis en avant. D’une part, la domination du Président, qui se retrouve peu légitime en réalité, en raison du score qu’il obtient désormais au 1er tour de l’élection présidentielle (28,6% pour François Hollande, 24% pour Emmanuel Macron ou 31,2% pour Nicolas Sarkozy), sans commune mesure avec celui qu’ont pu obtenir les Présidents élus au début de l’histoire de notre Constitution (44,7 pour le Général de Gaulle en 1965 ou 44,5% pour Georges Pompidou en 1969). D’autre part, notre Parlement est affaibli, car il n’est appelé qu’à appliquer la politique présidentielle, depuis l’introduction du quinquennat. Enfin, en raison d’une offre partisane et politique de plus en plus vaste et éclatée, les partis politiques s’affaiblissent et perdent en légitimité.
Une évolution de nos institutions paraît donc nécessaire pour résoudre cette crise démocratique.
Cependant, il ne s’agit ni d’instaurer une VIe République parlementaire, car elle présenterait le risque d’un retour en arrière, vers le régime de la IVe République, peut-être en pire, ni de rétablir une déconnexion entre la durée des mandats présidentiel et législatif, qui conduirait à l’écueil de la cohabitation, qui pourrait être encore moins facilement acceptée aujourd’hui qu’elle ne l’a été dans les années 1980 et 1990.