En fin de semaine dernière, on pouvait entendre des journalistes s’impatienter ou des politiques dénoncer le soi-disant retard avec lequel le Gouvernement était nommé. Sans vouloir nourrir un débat politique largement stérile, il est intéressant de revenir sur les causes, non d’un quelconque retard, mais bien d’un délai pris par le chef de l’État et la cheffe du Gouvernement pour en annoncer la composition, permettant de souligner qu’il n’est ni anormalement long ni anormalement court, mais qu’il mériterait d’être institutionnalisé.
Rappelons qu’Emmanuel Macron fut réélu le 24 avril, au terme d’une élection présidentielle intégralement organisée au mois d’avril (ce qui n’était jamais arrivé), afin d’éviter que le 1er tour ne soit organisé au cours du week-end prolongé de Pâques (le 17 avril) Il fut donc réélu 19 jours avant le terme officiel de son mandat (le 13 mai, à 24h)… exactement comme un certain Charles de Gaulle, réélu le 19 décembre 1965, soit 19 jours avant le terme officiel de son premier mandat (le 7 janvier 1966, à 24h).
La nomination d’Élisabeth Borne, c’est la reconduction de Jean Castex.
C’est une façon nouvelle de donner corps à l’analyse que nous livrait Guy Carcassonne, lorsqu’il expliquait qu’au lendemain d’élections nationales remportées par le Président de la République, le Premier ministre ne change pas. Ce fut le cas en 1965, avec le duo de Gaulle et Pompidou, après l’élection présidentielle qui permit au Général d’être réélu. Ce fut aussi le cas après des élections législatives, en 1967, avec le même duo, en 1973 (Pompidou et Messmer) ou en 1978 (Giscard d’Estaing et Barre). Certes, la situation fut différente en 1968, mais de Gaulle et Pompidou l’avaient tous deux remporté ce qui, aux dires du Président lui-même, faisait un de trop.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron déroge pour ne pas déroger à l’analyse et change pour ne pas changer le Premier ministre.
Les élections législatives sont une question de vie et de mort pour les partis politiques.
Cette réalité n’est pas nouvelle, mais elle revient avec une acuité particulière aujourd’hui, alors que le paysage politique, de gauche, de droite et même du centre, est particulièrement éclaté.
Surtout, elle soulève des questions et apporte des éclairages quant aux alliances qui se nouent actuellement.
Pour vivre et survivre, au-delà de militants et d’adhérents, les partis politiques ont besoin d’argent. Si les cotisations leur en rapportent, elles sont généralement insuffisantes et la plus grosse part de leur budget dépend du financement public auquel ils ont droit. Soit le parti vient d’être créé et il lui faut alors obtenir un financement public pour qu’il puisse espérer vivre. Soit le parti est déjà implanté, parfois même fortement au niveau local et il lui faut bénéficier d’un financement public pour qu’il puisse survivre.
En effet, depuis plus de quarante ans, des élections législatives ont généralement lieu dans la foulée du scrutin présidentiel, sauf en 1995. Et, depuis plus de quarante ans, elles ont toujours confirmé le pouvoir du Président de la République élu, en lui confiant une majorité pour gouverner, fût-elle relative comme en 1988.
Jamais les électeurs n’ont fait le choix d’une cohabitation, alors qu’ils auraient pu y céder au moins à deux reprises, en 2002 et en 2017, lorsque la majorité des électeurs du premier tour de l’élection présidentielle se voyaient contraints de voter au second pour un candidat à rebours de leur sensibilité (la majorité est à gauche en 2002 mais Jacques Chirac est élu, la majorité est à droite en 2017 mais Emmanuel Macron est élu, à l’époque – encore – candidat issu de la gauche).