Chronique de droits fondamnetaux et libertés publiques n°13



La dissolution décrétée le 9 juin 2024 a inévitablement eu un effet sur l'office du Conseil constitutionnel, ne serait-ce qu'en raison des nombreux recours dirigés contre les décrets de dissolution et de convocation des électeurs, auxquels s'ajoutent les quatre-vingt-quatre recours contre les élections elles-mêmes. Cependant, ce contentieux échappe à l'objet de la présente chronique. De surcroît, si cette dissolution a interrompu les travaux du Parlement et « fait tomber » les textes en cours d'examen à l'Assemblée nationale, les effets en matière de contrôle de constitutionnalité a priori ne seront véritablement perceptibles qu'au cours du second semestre 2024, donc de la prochaine chronique. En revanche, elle a donné lieu à deux décisions qui, si elles se situent dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil, viennent préciser son office, sur lequel il conserve une interprétation fortement restrictive, sans véritable conséquence en l'espèce, mais que l'on pourrait déplorer dans l'absolu (décision n°2024-870 DC du 10 juillet 2024 et décision n°2024-871 DC du 24 juillet 2024). 

Par ailleurs, la réforme de l'immigration, adoptée le 19 décembre 2023, a suscité de nombreux débats politiques puis d'ordre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a alors rendu une décision par laquelle il censure trente-deux articles ou dispositions pour raison de procédure (et trois autres pour des raisons de fond), s'agissant de « cavaliers législatifs » (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024). Cette première décision a été à l'origine d'une seconde, passée inaperçue. Mécontents de s'être vus ainsi censurés par le Conseil et instrumentalisés par le Gouvernement, les parlementaires de la droite républicaine déposèrent une proposition de loi « RIP », espérant pouvoir la soumettre à référendum. C'était sans compter sur le regard vigilant du Conseil qui, cette fois, s'est prononcé sur le fond, coupant ainsi court à toute velléité de légiférer en matière de préférence nationale, appliquée aux aides sociales (décison n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024).

Concernant les QPC du semestre, notre choix s'est porté sur deux décisions doublement intéressantes non par les solutions auxquelles elles conduisent mais pour les domaines sur lesquels elles portent qui ne manqueront pas de donner lieu à d'autres contentieux, tant ils sont riches de questions non encore résolues, sur le plan juridique et sur le plan éthique et philosophique. La première (décision n°2023-1081 QPC du 15 mars 2024 Société Premium Models) porte sur lune question de justice fiscale via la reconfiguration déjà ancienne et nécessaire de notre système de financement de la sécurité sociale. La seconde (décision n°2023-1075 QPC du 18 janvier 2024 Société Europe métal concept) portait sur le régime de recyclage et de valorisation économique, après incinération, des éléments métalliques issus de la crémation des défunts. Ces deux décisions illustrent les limites de l'office du Conseil constitutionnel par la pauvreté des motivations qu'il mobilise à l'appui de ses solutions comme par leur portée. L'oracle de la Constitution marque ainsi un décalage entre les attentes de la société et de la doctrine et ce qu'il est à même de produire sur le plan juridique. Un décalage qui est aussi marqué avec les autres Cours constitutionnelles avec lesquelles il ne peut véritablement pas rivaliser si on dépasse la simple approche fonctionnelle de l'institution. Mais le Droit est autre chose qu'un assemblage systémique de règles et l'office du juge, a fortiori constitutionnel, autre chose qu'une question d'application du Droit.
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