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Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques n°8
La chronique vient de paraître dans le dernier numéro de Titre VII (numéro 8, avril 2022), la revue entièrement numérique et gratuite du Conseil constitutionnel. Co-écrite avec Emmanuel Cartier, elle porte sur trois décisions du Conseil constitutionnel, sur la période juillet – décembre 2021.
Le second semestre de l'année 2021 connut une activité intense avec quatorze décisions rendues en DC (déclaration de constitutionnalité) : c'est presque un record et il faut remonter au second semestre des années 2015, 2014 ou 1985 pour un nombre équivalent, lequel n'a été dépassé qu'au second semestre des années 2009, 2005 et 1986 avec quinze décisions et, surtout, au second semestre 2003 avec seize décisions. Certaines des lois déférées au Conseil constitutionnel étaient emblématiques, telle la loi sur la bioéthique, celle sur le climat, ou celle préservant les principes de la République. Cependant, aucune ne fit l'objet de censures importantes : la première fut intégralement validée, la deuxième ne fut retoquée qu'en matière d'habilitation de l'article 38 de la Constitution ou de cavaliers législatifs, tandis que la troisième fit l'objet de deux censures (outre des cavaliers), dont une pour contrariété à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi (ce qui est assez rare). À l'inverse, deux de ses dispositions politiquement controversées - les restrictions des conditions de l'instruction à domicile et la création d'un délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à sa vie privée ou professionnelle (qui fut la reprise, en partie, du fameux « article 24 » censuré dans la loi « sécurité globale ») - furent validées.
Enfin, le Conseil examina la loi sur le terrorisme et le renseignement qui reprenait les dispositions intégralement censurées de la loi sur les mesures de sûreté pour les auteurs d'infractions terroristes. Cette fois, il ne trouva rien à redire à ces mesures, eu égard aux garanties légales qui limitaient leur caractère disproportionné, raison de leur censure en 2020. En revanche, faisant application de sa jurisprudence établie depuis 2018, il considéra que le possible allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), lorsqu'elles sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction en lien avec le terrorisme, contrevenait à la liberté d'aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale : compte tenu de leur rigueur, l'application de telles mesures ne peut excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de douze mois.
Cependant, la décision la plus retentissante de la période fut sans doute celle par laquelle le Conseil « scanna » le passe sanitaire, elle-même prolongée par la décision sur la loi de vigilance sanitaire.
De plus, deux décisions QPC ont retenu notre attention parmi les 34 rendues par le Conseil ce second semestre 2021. La première (940 QPC du 15 octobre 2021, Société Air France) illustre la capacité du Conseil à s'inscrire dans les pas de ses homologues européens en donnant pour la première fois consistance à la fameuse catégorie, jusqu'ici virtuelle, des "règles et principes inhérents à l'identité constitutionnelles de la France", tout en n'allant pas jusqu'au bout d'une analyse qui aurait pu le conduire à censurer le dispositif législatif transposant l'obligation de réacheminement issue du droit de l'espace Schengen dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette jurisprudence, malgré son importance, semble ainsi se situer "hors sol". La seconde décision ayant retenu notre attention (954 QPC du 10 décembre 2021 Mme Fatma M.) fait partie de ces décisions renforçant une ligne de force du Conseil constitutionnel en matière de garantie de l'égalité de genre dans le domaine du droit de la nationalité, pour laquelle le Conseil n'hésite pas à opérer un "retour vers le futur" favorable aux descendants de femmes ayant, sur la base d'une législation depuis longtemps abrogée, fait l'objet de telles discriminations dans leur capacité de transmettre la nationalité française à leurs enfants, en l'occurence sur la base d'un dispositif novateur à l'époque de "déclaration recognitive de nationalité", appliquable notamment aux ressortissants algériens.