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Loi immigration : « La majorité actuelle n’a pas encore pris la mesure de la situation dans laquelle elle se trouve »

Cette interview est initialement paru dans Libération


Plus que d'un dysfonctionnement des institutions, le feuilleton autour de la commission mixte paritaire sur la loi immigration est révélateur de la manière dont la majorité actuelle les pratique, selon le professeur de droit public Jean-Philippe Derosier.

Des suspensions de plusieurs heures, des tractations en coulisses, des rendez-vous à Matignon et même des coups de fil - démentis par l'Elysée - du chef de l'Etat à plusieurs protagonistes du dossier : la commission mixte paritaire (CMP) qui a réuni quatorze députés et sénateurs chargés de trouver un compromis sur le projet de loi immigration s'est déroulée dans une ambiance spectaculaire. Une situation «exceptionnelle» mais pas dysfonctionnelle, selon le professeur de droit public Jean-Philippe Derosier, également titulaire de la chaire d'études parlementaires à l'université de Lille, qui y voit tout de même la démonstration que l'exécutif n'a pas encore réussi à appréhender sa situation de majorité relative.

Sacré revers

L’adoption de la motion de rejet préalable à l’Assemblée nationale, contre le projet de la loi immigration, crée une crise ministérielle.

C’est un fait exceptionnel, qui n’est survenu qu’à quatre reprises, depuis 1958. La première fut le 30 novembre 1978, contre une transposition de directive européenne sur la TVA, à l’initiative de Jean Foyer, pourtant membre de la majorité. Mais il soutenait alors Jacques Chirac (ancien Premier ministre et futur candidat à l’élection présidentielle), contre Valéry Giscard d’Estaing, Président de la République.

La deuxième eut lieu le 9 octobre 1998, contre les premières propositions de loi sur le PACS et il s’agit surtout d’un incident de parcours, la majorité n’ayant pas suffisamment mobilisé ses troupes. Enfin, le 13 mai 2008, une question préalable est votée à l’Assemblée à une voix de majorité contre le projet de loi OGM, en deuxième lecture.

Revoici l’abandon de la révision constitutionnelle (épisode 1)

Après la révision constitutionnelle elle-même, revoici donc son abandon. Ce n’est que le premier épisode du genre, car il ne concerne que l’un de ses aspects.

Comme c’était prévisible et annoncé, le Président de la République a indiqué avoir pris acte qu’il n’y aurait pas de majorité pour garantir l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle permettant de rendre possible un référendum sur l’immigration ou, plus largement, sur les sujets de société.

On peut sans doute en déduire que l’ensemble de l’article 11 de la Constitution est concerné et que l’évolution du référendum d’initiative partagée (RIP), avec l’abaissement des seuils et la restriction du champ temporel, est également abandonnée.

Pourtant, le sujet aurait dû être consensuel. Qui peut s’opposer à ce que la parole du peuple soit plus aisément sollicitée ?

Revoici la révision constitutionnelle

Revoici donc la révision constitutionnelle ! Ou plutôt, « les révisions constitutionnelles », devrait-on écrire.

En effet, lors de la célébration du 65e anniversaire de la Constitution au Conseil constitutionnel, le 4 octobre dernier, le Président de la République a de nouveau évoqué trois sujets de modification de la Constitution : l’interruption volontaire de grossesse, le référendum, avec les conditions du référendum d’initiative partagée et l’extension du champ référendaire, et la décentralisation, notamment à propos de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie.

Si une évolution sur ce tout dernier point est rendue nécessaire par l’échéance fixée par les Accords de Nouméa, encore dépend-elle des solutions qui pourront être trouvés entre loyalistes et indépendantistes. Mais leurs négociations n’ont pas encore abouti, l’Union calédonienne (l’un des partis indépendantistes) ayant même annoncé ne plus y participer d’ici à son Congrès, prévu en cette fin de semaine.

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