Réflexions sur l’évolution de la Ve République - Synthèse des travaux du GRÉCI (Groupe de réflexion sur l’évolution de la Constitution et des institutions)



« Une bonne Constitution se peut se suffire à faire le bonheur d’une Nation. Une mauvaise peut suffire à faire son malheur » (Guy Carcassonne, 2013). – Le 4 octobre, la Constitution de la Ve République a célébré son soixante-cinquième anniversaire et le 21 février 2024, elle est effectivement devenue la Constitution connaissant la plus grande longévité de toute notre histoire constitutionnelle, dépassant celle de la IIIe République (si on considère qu’elle débuta le 24 février 1875 et se termina le 10 juillet 1940). Cette longévité de notre Constitution est incontestablement due à la stabilité institutionnelle qu’elle a su enfin introduire, alors qu’elle fut maintes fois recherchée par le passé. Une telle stabilité est le fruit d’un juste équilibre entre souplesse et rigidité : la Constitution est suffisamment souple pour s’adapter à des changements de circonstances ou évoluer lorsque nécessaire, tout en étant suffisamment rigide pour résister aux crises et permettre de les surmonter. 

Pourtant, les Français semblent nourrir une relation presque schizophrénique avec la Constitution et le régime, à base d’un « Je t’aime, moi non plus » ou plutôt d’un « Je ne t’aime pas, moi aussi ». Ils s’en plaignent régulièrement, la critiquent souvent dans ce qu’elle permet comme excès, la dénigrent parfois en dénonçant le césarisme qu’elle a établi. Mais, à l’inverse, dès qu’ils ont l’occasion de la faire évoluer, en portant au pouvoir un candidat qui défend un projet constitutionnel tendant à transformer le régime, ils renoncent systématiquement. Pis, ils élisent presque toujours celui qui propose une évolution minimaliste, dans le respect de l’esprit initial de la Constitution imaginée par le Général de Gaulle. 

La Constitution de la Ve République qui, grâce aux vingt-quatre révisions constitutionnelles adoptées depuis 1958, est évolutive et n’est pas immuable. Elle n’échappe pas non plus à la critique et, en dépit d’une stabilité qui pourrait être synonyme d’équilibre, elle connaît certains dysfonctionnements, voire des déséquilibres certains. Ainsi, on évoque régulièrement une crise démocratique, une crise parlementaire, une crise de la confiance, qui ne sont d’ailleurs pas l’apanage de la Ve République. Cette crise de la confiance suppose de la rétablir, car elle est un élément indispensable au fonctionnement d’une relation, quelle qu’elle soit : qu’elle soit amicale, familiale ou celle que les citoyens nourrissent avec les institutions, avec leur Constitution. 

Mais la confiance a ceci de particulier qu’elle ne se décrète pas, elle s’inspire. On pourra procéder à toutes les révisions constitutionnelles que l’on souhaite, si la mise en œuvre de ces révisions, ce qu’on appelle généralement la pratique constitutionnelle, n’est pas là pour inspirer la confiance, alors inévitablement, cette confiance ne pourra pas se rétablir. Faut-il alors tout remettre à plat, tourner la page de 65 ans d’histoire pour élaborer une nouvelle Constitution et un nouveau régime ou, au contraire, chercher à la faire évoluer une nouvelle fois ? En d’autres termes, ce soixante-cinquième anniversaire doit-il sonner comme celui du départ à la retraite ou celui du lifting ? Faut-il changer « de » Constitution ou faut-il changer « la » Constitution ? 

Le GRÉCI, Groupe de réflexion sur l’évolution de la Constitution et des institutions, composé d’une quarantaine d’universitaires français, au cours de l’année 2023. Sans vouloir s’arroger un rôle qui n’est pas le leur, car il ne leur appartient ni de réviser la Constitution, ni même d’initier le processus, les universitaires ont souhaité enrichir le débat constitutionnel, dont peuvent également se saisir les politiques et les citoyens. Malgré l’âge de la Constitution, « nous avons en France, une conception de la Constitution qui n’est pas aussi intime que dans d’autres pays ». Dans d’autres pays, en Allemagne, en Italie, ou dans des pays qui sont plus éloignés tels les États-Unis, il y a un rapport plus étroit entre les citoyens et la Constitution : ils y sont attachés et, pour cette raison, ils veillent à ce qu’elle soit respectée. On y trouve une véritable « culture de la Constitution », qui peut parfois même dériver en un « culte » de la Constitution. Afin de contribuer à ce débat, les universitaires réunis au sein du GRÉCI ont formulé 130 propositions, articulées autour de dix-sept thèmes, qui couvrent tous les champs constitutionnels, sans qu’aucune ne fasse l’unanimité au sein du Groupe, soulignant la diversité des expertises scientifiques. Cet ensemble de propositions diversifiées (2) est le fruit d’une méthodologie originale (1).

Retrouvez cet article dans le JCP-A n°09 du 04 mars 2024 (sur abonnement)

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